Cadre et impact de la loi Malraux

La loi Malraux a été créée en 1962, il y a 60 ans. Son cadre et son impact n’ont cessé d’évoluer.

Immeuble Loi Malraux - Jedefiscalise

Conscient des ravages de la reconstruction d’après-guerre jusque dans le coeur des villes, André Malraux, alors ministre des Affaires Culturelles, soumit au Parlement un texte fondateur portant sur la création de « Secteurs Sauvegardés ».

1 860 villes semblaient pouvoir justifier de la création d’un secteur sauvegardé. Toutefois, pour des raisons budgétaires, le ministère aboutit à l’établissement d’une liste d’environ 400 noms. En réalité, seule une centaine de secteurs sauvegardés a vu le jour.

Là où le classement ou l’inscription d’un Monument Historique vise un seul bâtiment, la loi Malraux a pour objectif la sauvegarde et la mise en valeur de quartiers historiques entiers. Souvent désaffectés et insalubres, de nombreux centre villes pourtant épargnés par la guerre étaient bel et bien menacés de disparition au profit de grands ensembles.

Pour mettre un terme à cette politique de la table rase et leur redonner vie, une impulsion de l’Etat s’imposait. C’est ainsi que sur les secteurs Malraux furent créés les PSMV (Plan de Sauvegarde et de Mise en Valeur), documents d’urbanisme remplaçant les POS (Plan d’Occupation des Sols) et leurs successeurs les PLU (Plan local d’Urbanisme).

A l’inverse des PLU et POS, élaborés par les communes, les PSMV relèvent de l’Etat. Et son représentant local n’est autre que l’ABF (Architecte des Bâtiments de France) départemental, qui a un avis conforme sur toutes les demandes d’urbanisme.

Aux secteurs sauvegardés, se sont ajoutés en 1983 les ZPPAUP (Zones de Protection du Patrimoine Architectural et Paysager), sous l’entière responsabilité des communes, dans le cadre d’un partenariat avec l’Etat, avec toujours une implication forte de la DRAC (Direction des Affaires Culturelles) et de l’ABF. Quelque 675 ZPPAUP ont été créées, plus 400 à l’étude.

Secteurs sauvegardés et ZPPAUP ont largement participé à la revitalisation de nombreux quartiers historiques dégradés.

Immeuble Loi Malraux avant travauxLa loi de 2010 portant Engagement National pour l’Environnement, dite loi Grenelle 2, avait donné pour mission aux communes concernées de transformer les ZPPAUP en AVAP (Aires de mises en Valeur de l’Architecture et du Patrimoine) d’ici mi 2015. L’objectif étant essentiellement de « garantir la prise en compte d’objectifs de développement durable ».

A cette date, seule une centaine d’entre elles était en mesure de répondre aux critères des AVAP (contraintes financières, techniques, humaines), conduisant de facto à la disparition des 575 autres ZPPAUP.

La loi Création, Architecture et Patrimoine, dite loi CAP, du 7 juillet 2016 a regroupé ces différents secteurs sous l’appellation de Sites Patrimoniaux Remarquables, dits SPR. Désormais, on distingue les SPR régis par un PSMV (anciens secteurs sauvegardés) et ceux régis par un PVAP (Plan de Valorisation de l’Architecture et du Patrimoine), ces derniers recouvrant les anciennes ZPPAUP et AVAP. Les deux régimes pouvant cohabiter au sein d’un SPR. La création des SPR est de la compétence du ministre de la Culture.

En 2018 la loi sur l’Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique, dite loi ELAN, est venue rogner les prérogatives des ABF. Celle-ci porte atteinte à l’avis conforme (obligatoire) des ABF. Dans les principaux sites patrimoniaux, ils ne peuvent notamment plus s’opposer à la destruction d’un bâtiment déclaré insalubre ou en péril. Leur avis n’est plus que consultatif.

Immeubles loi Malraux après travauxAu départ, aucune aide financière n’était prévue pour les propriétaires d’immobilier Malraux, en dépit des contraintes très lourdes pesant sur eux en cas de restauration. Prenant conscience des limites d’une telle ambition sans financement approprié, l’Etat fit adopter en 1977 une Loi de finances avec une fiscalité dérogatoire à caractère incitatif. En 1983, avec l’apparition des ZPPAUP, cette fiscalité fut étendue à ces dernières.

Les aspects juridiques et fiscaux de la loi Malraux 2023 sont développés dans notre page Loi Malraux, tandis que les modalités pratiques et les incidences d’un investissement Malraux sont très largement évoquées dans notre page FAQ Malraux, ainsi que dans nos pages Blog lois Malraux et Monuments Historiques.

Toutefois, les grandes règles du dispositif Malraux sont rappelées ici :

  • Pour les programmes Malraux montés avant 2009, les travaux étaient intégralement déductibles du revenu global, dès lors que l’immeuble était entièrement restauré.
  • Depuis, les travaux de restauration donnent lieu à une réduction d’impôt.
  • Pour un investissement Malraux 2023, celle-ci est de 30% dans les SPR avec un PSMV, et de 22% dans les SPR avec PVAP. Le montant de travaux pris en compte ne peut excéder 400 000 € .
  • La défiscalisation Malraux est assortie d’une obligation de location de 9 ans.
  • Les travaux des programmes Malraux sont soumis à des règles très strictes.
  • S’il y a plusieurs copropriétaires, il convient qu’ils soient réunis dans une ASL (Association Syndicale Libre), une AFUL (Association Foncière Urbaine Libre), ou encore une AFU (Association Foncière Urbaine), appelée à jouer le rôle de maître d’ouvrage.
  • Les travaux doivent aboutir à une restauration complète de l’immeuble. Le PC (Permis de Construire) doit recevoir l’accord de l’ABF (Architecte des Bâtiments de France) départemental, relevant de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles).
  • En PVAP, pour valider la défiscalisation Malraux, une DUP (Déclaration d’Utilité Publique) doit être obtenue en amont du PC.
  • En PSMV, outre le PC soumis à l’accord de l’ABF, prenant notamment en compte les particularités de chaque PSMV, la loi Malraux avait aussi instauré la nécessité d’une AST (Autorisation Spéciale de Travaux), visée par l’ABF, portant plus particulièrement sur la sauvegarde des éléments intérieurs.
  • Une ordonnance de 2005 a supprimé l’AST, dans un souci de simplification administrative. Pour autant, l’ABF garde un droit de regard et de veto sur les travaux intérieurs.
  • Et depuis 2009, ce n’est que forts du PC obtenu que les investisseurs de programmes Malraux pourront engager leurs premiers versements sur le compte de l’ASL ou l’AFUL, afin de financer les travaux, ce qui donnera lieu à la défiscalisation.

Pour conclure, et alors que le cinquantenaire de la loi Malraux a été fêté il y a peu, donnant lieu à quantité de colloques, nous nous reporterons au « Rapport du comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales » présidé par Mr Henri Guillaume, Inspecteur général des finances honoraire (juin 2011).

Il nous apprend que la dépense fiscale annuelle liée à la loi Malraux était alors de 35 millions d’euros. En 2014, le rapport du sénateur Éblé chiffrera cette dépense fiscale à 27 millions. En 2019, un rapport des ministères de la Culture, des Finances et de la Cohésion des Territoires faisait état de 30 M€ de « dépense » fiscale (pour 600 M€ avec la loi Pinel), portant sur 8 000 investissements Malraux sur une année, dont 90% de SCPI, en l’occurence des investissements très faibles, pouvant être inférieurs à 10 000 €. Chiffres repris dans le rapport « Patrimoines » de la Commission des Finances 2019 par Gilles Carrez, pour l’Assemblée Nationale. Soit une dépense extraordinairement faible au regard des enjeux et des résultats obtenus.

Le rapport du sénateur Éblé témoigne que :

« La loi Malraux a participé à la préservation de quartiers emblématiques tels que le Marais à Paris, le vieux Lyon ou encore le centre historique de Bordeaux, dont la qualité de préservation a justifié leur inscription au patrimoine mondial de l’UNESCO » (page 5 annexe 130205).

Et que:

« Les dépenses (de travaux) représentent des montants très élevés pour les secteurs sauvegardés. »

Ces travaux n’auraient tout simplement pas pu être engagés sans l’aspect fiscal du dispositif Malraux. Il ne s’agit en aucun cas d’un avantage superflu octroyé à des dépenses appelées de toute façon à être réalisées, mais bien d’un indispensable dispositif incitatif.

Par ailleurs, comme nous l’avons vu ci-dessus, l’avantage fiscal est subordonné à un contrôle très strict des travaux, gage de la qualité des opérations concernées.

Liens utiles :

Rapport « Patrimoines » de la Commission des Finances 2019 par Gilles Carrez, Assemblée Nationale
Loi CAP du 7 juillet 2016
Ministère de la Culture / Sites Patrimoniaux Remarquables
Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés – 09/2016
54 suggestions pour améliorer la fréquentation touristique de la France à partir de nos Patrimoines – 03/2017
Rapport du sénateur Vincent Éblé, 2015
Sites et Cités remarquables
Secteurs sauvegardés / Paroles d’élus, 2012
Liste des secteurs sauvegardés
ANABF (Association Nationale des Architectes des Bâtiments de France)
La Tribune de l’Art / Patrimoine
Rapport Guillaume sur les niches fiscales, 2011

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