La loi « fondatrice » instaurant le régime de protection des Monuments Historiques a été votée en France dès 1913, il y a plus d’un siècle, et fut depuis copiée dans le monde entier. L’impact de cette protection est considérable.
La France compte environ 45 000 immeubles protégés au titre des Monuments Historiques, dont 14 500 monuments classés et 30 500 monuments inscrits.
Parmi ceux-ci, environ la moitié appartient à des propriétaires privés, transformés de fait en « Conservateurs bénévoles », 43% aux communes, 4% à l’Etat, et le reste aux collectivités départementales et régionales et aux établissements publics.
A ces immeubles classés ou inscrits s’ajoutent 300 000 objets mobiliers, dont 1 400 orgues, des sites naturels depuis 1930, mais aussi des navires, et même depuis 2012 une vigne.
Les monuments classés ou inscrits comprennent 34% d’édifices religieux et, nous l’avons vu, près de 50% de propriétés ou immeubles privés.
Ils se répartissent entre 4% de proto et préhistoriques, 2% d’antiques, 33% du Moyen Âge, 45% des temps modernes (du XVIème au XVIIIème) et 17% d’époque contemporaine.
Leur nombre augmente tous les ans : environ 270 immeubles ont ainsi acquis le titre de Monument Historique en 2019, dont 20 classés et 250 monuments inscrits.
La liste des Monuments Historiques classés et inscrits est consultable sur la base Mérimée du ministère de la Culture.
L’objectif affiché est de préserver et, dans la mesure du possible, restaurer, les témoignages remarquables de notre patrimoine au sens large. Qu’ils soient exceptionnels par leur valeur historique, comme le Château de Versailles ou témoins d’un style : roman, baroque flamand, « puriste » dans le sillage de Le Corbusier ou autre.
Pourtant, la part des Monuments Historiques considérés comme défectueux ne cesse de croître : de 32% en 2003, elle est actuellement estimée à 39%.
Et 20% sont carrément en péril. Trois milliards d’euros seraient nécessaires pour entreprendre les travaux de première urgence rien que sur ces monuments en péril. Et 65% d’entre eux se situent dans des communes de moins de 2 000 habitants, particulièrement démunies en moyens de financement.
En cause notamment, les crédits du ministère de la Culture et de la Communication. Ceux affectés aux travaux de restauration des Monuments Historiques étaient de 540 M€ en 2000, hors grands projets.
En 2019 ils étaient de 326 M€, pour un budget global du ministère de 10 milliards d’Euros. En parallèle les dépenses de personnel et pensions sont de 720 M€. Tandis que les fonds réellement dépensés pour les Monuments Historiques sont toujours en deçà des budgets votés, pour se situer chaque année aux alentours de 300 M€. Dont environ 5% affectés au patrimoine privé (50% des Monuments Historiques), en baisse de 60% depuis 2000.
On voit bien que sans une fiscalité particulièrement incitative pour la restauration des Monuments Historiques, le combat serait perdu d’avance.
La fiscalité de la loi Monuments Historiques est développée dans notre page Loi Monuments Historiques, tandis que les modalités pratiques et les incidences d’un investissement Monument Historique sont très largement évoquées dans notre page FAQ Monument Historique et nos pages Blog lois Monuments Historiques et Malraux.
Toutefois les grandes règles de la fiscalité Monuments Historiques sont rappelées ici :
– Pour les propriétaires bailleurs, depuis 1964, la totalité des travaux de restauration est déductible du revenu global, sans limitation aucune, de même que les intérêts d’emprunt.
– Pour les propriétaires occupants, si le bien est ouvert au public les travaux Monuments Historiques sont là aussi intégralement déductibles. La notion d’ouverture au public s’entend 40 jours par an minimum, entre le 1er juillet et le 30 septembre, ou 50 jours par an, entre le 1er avril et le 30 septembre, dont 25 dimanches et jours fériés dans cette seconde hypothèse.
– Si le bien n’est ni loué ni ouvert au public, seuls 50% des travaux sont déductibles. Sauf si les travaux ont fait l’objet d’une subvention de l’Administration des affaires culturelles. Auquel cas le montant total restant à la charge du contribuable est déductible.
Pour que la totalité des travaux de restauration soient déductibles, il est impératif qu’a minima les façades et les toitures soient classées ou inscrites. A défaut seuls les travaux de restauration portant sur les parties classées ou inscrites seront déductibles.
Les travaux Monuments Historiques sont soumis à des règles draconiennes.
Depuis 2007, les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits interviennent en tant que maître d’ouvrage lorsqu’ils effectuent des travaux. Auparavant cette prérogative était dévolue à l’Etat.
Pour autant, ceux qui possèdent un monument classé sont tenus de saisir les STAP (Services Territoriaux de l’Architecture et du Patrimoine) de leur département, dirigés par un ABF (Architecte des Bâtiments de France), relevant de la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles), dans le cadre d’une concertation qui donnera lieu à la délivrance d’une AT (Autorisation de Travaux). Cette procédure dispense de toute formalité au titre du code de l’urbanisme, et donc de dépôt de PC (Permis de Construire).
Les propriétaires de bâtiments classés sont par ailleurs tenus de solliciter l’avis de la DRAC pour le choix du maître d’oeuvre. Pour des travaux de restauration, ce dernier doit être soit un ACMH (Architecte en Chef des Monuments Historiques), soit un architecte du patrimoine (diplômé de l’école de Chaillot), soit titulaire d’un diplôme « Architecture et patrimoine » justifiant de 10 ans d’expérience dans la restauration du bâti ancien.
Concernant les Monuments Historiques inscrits, la réalisation de travaux nécessite également de consulter la DRAC. Ce n’est que muni d’un APD (Avant-Projet Définitif) validé par cette dernière qu’un PC aura une chance d’aboutir.
Le maître d’ouvrage devra veiller à choisir un architecte possédant une expérience avérée dans le domaine de la restauration de l’ancien.
Depuis 2005, on ne parle plus de biens ISMH (Inscrits à l’Inventaire Supplémentaire des Monuments Historiques), mais d’immeubles inscrits au titre des Monuments Historiques.
Exceptionnellement les propriétaires de monuments classés ou inscrits peuvent solliciter le concours de l’Etat, via la DRAC ou les STAP, pour qu’il intervienne en tant qu’AMO (Assistant à Maîtrise d’Ouvrage).
Pendant toute la durée des travaux Monuments Historiques, le contrôle scientifique et technique de l’Etat s’exerce « sur pièces et sur place ». A l’issue des travaux le maître d’ouvrage transmet au préfet (DRAC / STAP) un DDOE (Dossier Descriptif des Ouvrages Exécutés), qui donnera lieu à un certificat de conformité.
Une demande de classement peut émaner d’un propriétaire ou de toute personne y ayant intérêt. Il faut ensuite compter 3 et 5 ans d’instruction pour obtenir un arrêté de classement ou d’inscription.
Par ailleurs, dans un souci de cohérence, la loi du 25 février 1943 a instauré un périmètre de protection pour les bâtiments classés ou inscrits. Le principe général étant que dans un rayon de 500 m, tous les travaux envisagés par les voisins nécessitent l’autorisation de l’ABF, ce dernier représentant la DRAC.
En outre, la France a ratifié la Charte de Venise, datant de 1964. En substance, celle-ci établit que, sur un Monument Historique, la restauration se fera « sur le respect de la substance ancienne ». Si des éléments sont manquants et non identifiés, il est possible d’effectuer des travaux portant « la marque de notre temps ». En revanche, pour tout élément connu, il convient de le refaire à l’identique. Et quand un bâtiment porte la marque de plusieurs époques, c’est le dernier état connu qui prime.
Toutefois, en 2018 la loi sur l’Évolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique, dite loi ELAN, est venue rogner les prérogatives des ABF. Désormais, notamment, la commune ou l’autorité intercommunale compétente en matière de Plan Local d’Urbanisme peut proposer de modifier le périmètre de protection aux abords des Monuments Historiques, au même titre que l’ABF. En la matière, l’avis de l’ABF n’est plus que consultatif, et non conforme (obligatoire). En cas de désaccord de l’ABF le préfet peut passer outre.
Un patrimoine à l’impact considérable.
On l’aura compris, restaurer un Monument Historique n’est pas une sinécure, tandis que les besoins sont énormes (près de la moitié peuvent être considérés comme défectueux), et hormis les grands monuments nationaux et les édifices religieux, quasiment tous les financements d’entretien et de restauration reposent sur les propriétaires privés.
En 2019, un rapport de l’Assemblée Nationale, établi par Gilles Carrez, établissait que la « dépense fiscale » liée aux Monuments Historiques était de 83 millions. Dont 40 millions pour ceux procurant des recettes (ouverts au public, ou mis en location après restauration d’un programme Monument Historique).
En parallèle, il ressort d’une étude du ministère de la Culture que la restauration et l’ouverture au public de nos monuments, au sens large, entraînent des retombées économiques d’un montant de 21 milliards d’euros et représentent plus de 500 000 emplois directs et indirects.
Avec plus de 90 millions de visiteurs étrangers en 2019, grâce notamment à son patrimoine exceptionnel, la France est le pays le plus visité au monde.
La même année, plus de six Français sur dix ont visité un monument, un musée ou un site historique.
Et quelque 16 000 sites français dont 2 500 Monuments Historiques ont accueilli plus de 12 millions de visiteurs à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.
En 2012, le ministère de la Culture annonçait pour 2013 un projet de loi sur le patrimoine, visant à repenser l’ensemble des dispositifs de protection patrimoniale (il ne s’agissait pas de toucher aux dispositifs fiscaux existants). Après 4 ans et 3 ministres, la loi relative à la « liberté de la Création, à l’Architecture et au Patrimoine », dite loi CAP, a été promulguée le 7 juillet 2016. Suite à une mobilisation très forte des différents acteurs oeuvrant à la sauvegarde du patrimoine, elle ne remet pas en cause les indispensables prérogatives de l’Etat, garantes de ce patrimoine déjà fort menacé.
Liens utiles :
Rapport « Patrimoines » de la Commission des Finances 2019 par Gilles Carrez, Assemblée Nationale
Décret patrimoine et monuments historiques de la loi CAP publié le 31/03/17
54 suggestions pour améliorer la fréquentation touristique de la France à partir de nos Patrimoines – 03/2017
Base Mérimée, site du ministère de la Culture, avec tous les Monuments classés ou inscrits
Rapport du sénateur Vincent Éblé, 2015
Ministère de la Culture / Monuments Historiques
Guide pour les maîtres d’ouvrage d’immeubles classés
Guide pour les maîtres d’ouvrage d’immeubles inscrits
CMN (Centre des Monuments Nationaux)
VMF (Vieilles Maisons Françaises)
La Demeure Historique
Fondation Mérimée, ex Fondation pour les Monuments Historiques
Fondation du Patrimoine
Fédération Patrimoine-Environnement
Sites et Monuments (ex SPPEF)
AJP (Association des Journalistes du Patrimoine)
ANABF (Association Nationale des Architectes des Bâtiments de France)
Rempart
Europa Nostra
LRMH (Laboratoire de Recherche des Monuments Historiques)